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Message du Patriarche (1.9.2018)

Node protocole 738

 

† BARTHOLOMAIOS
PAR LA GRÂCE DE DIEU ARCHEVÊQUE DE CONSTANTINOPLE, NOUVELLE ROME,
ET PATRIARCHE ŒCUMÉNIQUE
QUE LA GRÂCE, LA PAIX ET LA MISÉRICORDE
DE NOTRE SEIGNEUR, DIEU ET SAUVEUR JÉSUS CHRIST,
AUTEUR DE TOUTE LA CRÉATION,
SOIENT AVEC TOUT LE PLÉRÔME DE L’ÉGLISE

Frères et enfants bien-aimés dans le Seigneur,

Vingt-neuf ans déjà depuis que la sainte Grande Église du Christ a consacré la fête de l’Indiction comme « Journée de protection de l’environnement ». Durant tout ce temps, le Patriarcat œcuménique a été initiateur et protagoniste d’actions variées qui ont porté leurs fruits et ont mis en évidence le potentiel écologique spirituel de notre tradition orthodoxe.

Les initiatives écologiques du Patriarcat œcuménique ont incité la théologie à mettre en relief les principes respectueux de l’environnement prônés par l’anthropologie et cosmologie chrétienne, à exposer la vérité suivant laquelle nulle vision concernant la marche de l’humanité dans l’histoire n’a de valeur si l’espérance d’un monde fonctionnant en tant que réelle « maison » de l’être humain y fait défaut ; ceci, à une époque où la menace sans cesse grandissante pesant sur l’environnement naturel couve une catastrophe écologique mondiale. Cette péjoration est la conséquence d’un choix concret portant sur le mode de développement économique, technologique et social, méprisant la valeur de la personne humaine autant que le caractère sacré de la nature. Il est impossible de réellement s’intéresser de la personne humaine tout en détruisant l’environnement naturel, base de la vie, c’est-à-dire en sapant substantiellement l’avenir de l’humanité.

Bien qu’à notre sens, il soit incorrect de juger la civilisation moderne en termes de « péché », nous tenons à souligner que, de nos jours, la destruction de l’environnement naturel est lié à l’arrogance de l’humain vis-à-vis de la nature et son rapport de domination sur elle, ainsi qu’au modèle eudémoniste de « posséder beaucoup », en tant qu’attitude générale de vie. Autant il est faux de croire que dans le passé tout était mieux, autant il est absurde de fermer les yeux sur ce qui se passe aujourd’hui. L’avenir n’appartient pas à celui qui est sans cesse à la poursuite de plaisirs artificiels et de nouvelles satisfactions, qui vit pour soi et ignore le prochain, à celui qui fait preuve de prodigalité ostentatoire et provocante, ni à l’exploiteur des faibles. L’avenir appartient à la justice et à l’amour, à la culturede solidarité et de respect envers l’intégrité de la création.

C’est cet ethos, cette culture, que la tradition ecclésiale divino-humaine de l’orthodoxie a sauvegardé. Dans la vie sacramentelle et cultuelle de l’Église est vécue et exprimée la façon eucharistique d’appréhender la création, lui donner un sens et en user. Ce rapport au monde est inconciliable avec toute sorte d’introversion et d’indifférence envers la création, de dualisme esprit-matière et de dévalorisation de la réalité matérielle. En revanche, l’expérience eucharistique sensibilise et motive le croyant pour mener une action écophile dans le monde. Dans cet esprit, le saint et grand Concile de l’Église orthodoxe a souligné que dans les sacrements de l’Église « la création est affirmée et l’homme est encouragé à agir en économe, gardien et « officiant » de celle-ci, la présentant au Créateur comme une action de grâce » (Encyclique § 14). Abuser et détruire la création, transformer celle-ci en objet d’exploitation, c’est pervertir l’esprit de l’Évangile. Il n’est nullement fortuit que l’Église orthodoxe ait été qualifiée de « forme écologique » du christianisme, puisque c’est l’Église qui a préservé la divine Eucharistie en tant que noyau de sa vie.

Par conséquent, l’engagement écologique du Patriarcat œcuménique n’est pas simplement une réaction à la crise écologique contemporaine sans précédant ; il n’en est pas issu, mais il constitue une manifestation de la vie de l’Église, un prolongement de l’ethos eucharistique dans le rapport liant le croyant à la nature. Cette conscience écologique inhérente à l’Église a été courageusement et pertinemment exprimée face aux menaces pesant sur l’environnement naturel. La vie de l’Église orthodoxe, c’est de l’écologie vécue, du respect effectif et indéfectible envers la création. L’Église est un fait de communion, de victoire sur le péché et la mort, allant à l’encontre de l’autojustification et de l’individualisme qui sont à l’origine de la destruction de l’environnement. Il est impossible au croyant orthodoxe de rester indifférent à la crise écologique. Pour lui, veiller sur la création, en prendre soin, est une conséquence et une manifestation de sa foi et de son ethos eucharistique.

Pour contribuer efficacement à la solution des problèmes écologiques, l’Église doit manifestement connaître et examiner ceux-ci. Nous savons tous qu’aujourd’hui, le changement climatique, avec ses retombées catastrophiques pour la vie même sur terre, est la plus grande menace pesant sur l’environnement et l’humanité. Cette thématique a prédominé au neuvième symposium écologique « Vers une Attique plus verte : Préserver la planète et protéger ses habitants » organisé par le Patriarcat œcuménique en juin dernier sur les îles du golfe Saronique Spetses et Hydra. Malheureusement, l’incendie qui a récemment ravagé l’Attique et les conséquences prévisibles de l’énorme catastrophe écologique qu’elle a causée constituent la confirmation tragique des thèses adoptées par les participants au symposium sur la gravité de la menace écologique.

Vénérables frères et enfants bien-aimés dans le Seigneur,

La culture écologique de l’orthodoxie matérialise la perception eucharistique de la création condensée et exprimée dans le fonctionnement global de la vie ecclésiale. Voilà le message pérenne de l’Église orthodoxe en matière d’écologie. L’Église dit et enseigne « toujours les mêmes choses » et « à propos des mêmes choses », conformément aux paroles inégalables de son Fondateur et Chef : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point » (Lc21, 33). Fidèle à cet esprit, l’Église Mère invite ses archevêchés et diocèses métropolitains à travers le monde, ses paroisses et monastères, à prendre des initiatives, à entreprendre des actions concertées, à développer des programmes de sensibilisation environnementale, à organiser des congrès et conférences, en sorte que les croyants prennent conscience que protéger l’environnement naturel est une responsabilité spirituelle incombant à tout un chacun. La question brûlante du changement climatique, ses causes et ses retombées sur la planète et notre vie quotidienne sont une occasion d’aborder celle-ci et d’en débattre sur la base des principes de l’écologie théologique, et d’intervenir concrètement dans la pratique. Il est crucial de mettre l’accent sur l’action au niveau local. La paroisse est la cellule de la vie ecclésiale, le lieu de présence et de témoignage personnels, de communication et de coopération, une communauté liturgique et diaconale.

Il faut tout particulièrement veiller à organiser l’éducation en Christ de la nouvelle génération pour inculquer à celle-ci l’ethos écologique. La catéchèse doit instiller dans l’âme des enfants et des jeunes le respect envers la création « très bonne », des motivations pour s’engager dans la protection de l’environnement et la vérité libératrice de simplicité, de frugalité, d’ethos ascétique, de vie participative et d’amour sacrificiel. Il est indispensable que les jeunes réalisent leur responsabilité de pratiquer les conséquences écologiques de notre foi, de connaître et faire connaître la contribution déterminante du Trône œcuménique à la cause de protection de l’environnement naturel.

En concluant, nous souhaitons à tous une année ecclésiastique bénie et l’abondante fructification de vos luttes spirituelles, et invoquons sur vous la grâce vivifiante et la miséricorde incommensurable de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus Christ, dispensateur de tout bien, chef et consommateur de notre foi, par l’intercession de la toute-Sainte Mère de Dieu Pammakaristos, dont nous embrassons aujourd’hui festivement, respectueusement et humblement la sainte icône, l᾽héritage sacré de tous les Orthodoxes.

1erseptembre 2018
† Bartholomaios de Constantinople
votre fervent intercesseur devant Dieu.