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LE PATRIARCAT ŒCUMENIQUE

Histoire du Patriarcat Œcuménique de Constantinople

Le Patriarcat Œcuménique de Constantinople est le premier siège ecclésial de l’Eglise Orthodoxe, dont l’histoire remonte à Pentecôte et aux premières communautés chrétiennes. Selon la tradition l’Apôtre André a prêché le Christianisme en Asie Mineure, plus spécialement dans les régions autour de la Mer Noire, en Thrace et en Achée, où il a été martyrisé. Sa mission a commencé à Sinope, ville située près de la mer Noire où il ordonna Philologos comme évêque. En l’an 36 l’Apôtre André fonda une église locale sur les rives du Bosphore dans une ville qui s’appelait alors Byzance, maintenant Constantinople, et qui est aujourd’hui mieux connue sous le nom d’Istanbul. L’Apôtre André est le saint patron de Patriarcat Œcuménique et sa mémoire est célébrée le 30 novembre.

Après la division de l’Empire Romain en une partie occidentale et orientale Constantin le Grand déplaça la capitale en 330 dans la petite ville de Byzance sous le nouveau nom de Constantinople et cette ville se développa en capitale de l’Empire Byzantin. En cette période l’Eglise de Constantinople devint un archevêché ensuite un patriarcat et finalement le Patriarcat Œcuménique.

Au 4e siècle cette Eglise avait la juridiction ecclésiale sur les communautés chrétiennes de l’Asie Mineure, du Pont et de Thrace. Par l’expansion de l’influence politique et culturelle de Constantinople, le prestige de l’Eglise de Constantinople augmenta. Lors du Concile de Constantinople (381), le titre de patriarcat fut accordé et l’Eglise de Constantinople devint la deuxième en rang après Rome. Pendant le Concile de Chalcédoine (451) la juridiction de Constantinople s’élargit aux régions dites ‘Barbares’ ce qui signifiait les communautés chrétiennes de la Diaspora, en dehors des frontières de l’Empire et en dehors des juridictions des autres Eglises autocéphales. Ainsi apparu le titre de Patriarcat Œcuménique. Le titre de Patriarcat Œcuménique est un privilège qui appartient historiquement et canoniquement au Saint Trône de Constantinople. Par ailleurs il fut établi que Constantinople n’était plus la seconde en rang, après Rome, mais – comme ‘la nouvelle Rome’ –au même niveau que l’ancienne Rome.

Depuis que les Saints Cyrille et Méthode, deux frères Grecs de Thessalonique qui vivaient au neuvième siècle, eurent commencé leur mission parmi les peuples slaves, la juridiction du Patriarcat Œcuménique s’étendait entre la mer adriatique et la rivière Nestos, et la région entre le Danube et les montagnes de Rodopi. Cyrille et Méthode furent envoyés par le Patriarcat Œcuménique – à la demande de Rostislav de Moravie – et en premier ils utilisaient la langue slave dans leur enseignement et prédication. Ils réalisèrent aussi une traduction de la liturgie en Slavon et aussi des textes bibliques qui étaient lues dans la Liturgie. Pour transmettre les sons de manière adéquate, il fallut même créer un nouvel alphabet. Nous le connaissons maintenant comme le Cyrillique, appelé ainsi en allusion à son inventeur: Saint Cyrille.

Aux alentours de 988 le Prince Vladimir se convertit lui et son peuple à la foi orthodoxe. Dans les trente années suivantes seulement à Kiev furent bâties quatre cents églises. On alla chercher des artistes de Constantinople pour les décorer et afin d’apprendre à des peintres locaux comment réaliser une icône dans le but de la vénération orthodoxe. A la mort de Vladimir en 1015 tout le pays était chrétien. Saint Vladimir était le petit fils de la princesse Olga, qui déjà précédemment était devenue chrétienne à Constantinople.

Etant maintenant au pouvoir, il était visité par des ambassadeurs d’Est et d’Ouest, ceux-ci firent clairement transparaitre que les Russes étaient barbares et arriérés par leur manière de vivre pauvre et leurs superstitions. Les catholique romains, les orthodoxes, juifs et musulmans mirent en avant uniquement les avantages de leur religion et se contredisaient. En 986 Vladimir présenta la question à son conseil des nobles. Ils dirent que il leur semblait évident qu’on ne dirait rien de mal sur sa propre religion et que on ne pourrait jamais prendre une décision sur cette base. Le mieux était d’envoyer une délégation dans les différents pays pour analyser les choses avec ses propres yeux.

Ce plan fut mis en œuvre. Le voyage en occident ne livra pas grand-chose, mais tout autre était le compte rendu de ce qu’ils avaient vécu à Constantinople. Cette ville avait obtenu l’apogée de son développement et il n’y avait aucun édifice qui pouvait rivaliser avec Sainte Sophie! Cette Sainte et Grande église du Christ avait été construite à la demande du Justinien le Grand et faisait une impression inoubliable! Les ambassadeurs du Prince Vladimir y furent amenés lors d’une grande fête. Et ils voyaient les processions qui traversaient toute l’église, le Patriarche Œcuménique dans ses ornements solennels avec une colonne de prêtres, diacres, hypodiacres avec l’encens, les rayons de soleil qui depuis la coupole se dessinaient clairement dans les nuées d’encens à travers tout l’espace, et ils entendaient les chants jubilatoires des meilleures chorales de l’Empire. Tout l’édifice était empli d’une foule nombreuse tombant à genoux et essayant de toucher les ornements liturgiques des célébrants alors que retentissait Kyrie eleison, Kyrie eleison… C’était comme si un cortège angélique apparaissait sous l’hymne des Chérubins.

Quand la délégation fut de retour auprès du Prince Vladimir, ils lui communiquèrent ces mots souvent cités: «Nous ne savions pas si nous étions ou pas au ciel : vraiment c’était impossible de trouver quelque chose de plus beau sur la terre. Nous ne pouvons décrire ce que nous avons vu. Nous pouvons seulement croire que Dieu est présent là plus que dans aucune autre religion. Il est impossible de l’oublier : celui qui un jour a gouté la douceur, ne peut plus apprécier ce qui est amer ; nous ne pouvons pas rester plus longtemps dans le paganisme». Et ils ajoutèrent à cela : «Si la religion des Grecs n’était pas bonne, alors votre grand-mère, la plus intelligente des femmes, ne l’aurait pas embrassée»? Cet argument enleva toutes les réticences de Vladimir et il donna seulement cette réponse : «où allons-nous être baptisés»?

Le Patriarcat Œcuménique s’étendit largement par cette occasion.

En 1054 les tensions accrues entre le Christianisme d’orient et d’occident conduisirent au Grand Schisme.

Pendant la période ottomane, le Patriarche Œcuménique fut placé à la tête de tous les chrétiens orthodoxes au sein de l’Empire Ottoman. Cette collaboration entre l’Eglise et l’état augmenta le pouvoir du Patriarcat, mais cela emmena aussi corruption et intrigues.

La juridiction du Patriarcat diminua cependant suite à l’émigration – depuis 1922 – de la population locale vers l’Europe, l’Amérique et l’Australie. En ces régions de nouvelles communautés ecclésiales furent fondées.

Le Patriarche Œcuménique a jusqu’à ce jour une primauté justifiée, dans un esprit de fraternité entre les primats des anciens patriarcats, d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, tout autant dans les nouveaux patriarcats, celui de Moscou, de Serbie, Roumanie, Bulgarie et Géorgie, mais aussi par rapport aux Eglises autocéphales de Chypre, Grèce, Pologne, Albanie et la République Tchèque et la Slovaquie, et des Eglises autonomes de Finlande et d’Estonie. Ainsi il a une responsabilité historique et ecclésiale et il coordonne et promeut les activités entre les Eglises Orthodoxes locales. Au service de l’unité de l’Eglise orthodoxe, il a la responsabilité des rencontres panorthodoxes, mais aussi de soutenir le dialogue œcuménique et interreligieux. Au-delà des frontières ethniques et nationales, le Patriarche Œcuménique est le guide spirituel de plus de 300 millions d’orthodoxes sur toute la terre.

AUTOCEPHALIE ET PATRIARCATS

La formation des patriarcats était en réalité régit par un double principe: l’autorité d’un siège apostolique d’une part, et la nécessité d’implanter l’Eglise dans les structures concrètes du monde. C’est à partir du premier Concile Œcuménique de Nicée (325) que le statut véridique des patriarcats apparu pour la première fois. Nicée I reconnu la structure de trois sièges apostoliques (par ordre: Rome, Alexandrie, Antioche). Le premier Concile Œcuménique de Constantinople (381) confirma la structure et introduit Constantinople comme seconde en rang. Le court 3ième canon de ce second Concile Œcuménique dit de manière explicite: «l’Archevêque de Constantinople doit avoir le rang d’honneur, après l’évêque de Rome, car Constantinople est la nouvelle Rome» (depuis le déplacement du centre de l’Empire, une 50aine d’années plus tôt). Cette décision fut confirmée par le Concile Œcuménique de Chalcédoine (453), plus spécialement dans le 28ième canon, qui étendit la hiérarchie patriarcale à cinq (par ordre: Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jérusalem). C’est ce qu’on appelle la Pentarchie.

Après le schisme de 1054 le privilège du siège de Constantinople (la nouvelle Rome) – approuvé par deux Conciles Œcuméniques – prit de la valeur et le Patriarche Œcuménique devint le premier entre les égaux, le primus inter pares, de l’épiscopat orthodoxe.

L’évangélisation des slaves, et plus tard, la formation des nouveaux Etats (Russie, Roumanie, Bulgarie, etc…) avait comme conséquence l’apparition de plusieurs Eglises nationales, qui reçurent de Constantinople l’autocéphalie. Un droit d’initiative et de primauté fut accordé au Patriarcat Œcuménique de Constantinople.

LA DIASPORA ORTHODOXE

La Diaspora Orthodoxe contemporaine est caractérisée par un phénomène nouveau, exceptionnel et complexe. Elle est liée à certains événements dont l’Orthodoxie n’est pas elle-même la cause. Ces événements ont provoqué une situation que l’Eglise Orthodoxe n’était pas préparée à affronter. Par sa nature anormale, elle reste une situation temporaire et exceptionnelle… Ainsi, vu de l’extérieure, la Diaspora Orthodoxe semble donner une image d’une Orthodoxie divisée, avec plusieurs juridictions et encore plus d’évêchés et évêques en une même région ou en une même ville: avec une diversité ou un pluralisme de juridictions, exarchats et paroisses (…). L’existence de plusieurs juridictions est un grand problème pour la Diaspora Orthodoxe[1].

Naturellement cette situation est apparue à cause de toutes sortes de circonstances compréhensibles, comme souvent l’émigration forcée et tragique, qui est apparue de manière imprévisible et sans aucune préparation. Comme nous le savons, tous les anciens patriarcats de l’orient, ainsi que les plus jeunes patriarcats et Eglises autocéphales ont reçu un territoire bien délimité pour leur juridiction canonique, lequel ne peut être élargi de manière unilatéral, ni sans fondement canonique indispensable. Cette description se situe dans le titre même des Eglises et de leurs chefs: «Patriarcat de Moscou et de toute la Russie» tout court, ou de Serbie, ou de Roumanie etc…

A la lumière des données précitées, nous constatons que le Patriarcat Œcuménique est le premier qui pose le problème de la Diaspora et veut le résoudre sur une base canonique. Il est établi canoniquement que toute région qui se trouve en dehors des frontières d’une juridiction est soumis à l’Eglise de Constantinople, qui a dans cette espace un pouvoir canonique et une juridiction en dehors des frontières. Vu que les frontières géographiques et juridictionnelles des autres Patriarcats et Eglises autocéphales sont déterminées très précisément par les Saints Canons et par le Tomos Patriarcal qui les a reconnu comme entité ecclésiale qui dorénavant se gèrent eux-mêmes, ainsi toutes les autres régions qui se situent en dehors des frontières ecclésiales forment la Diaspora. Ces frontières n’ont pas à être modifiées, ni à devenir plus petites ni plus grandes ou élargies, seulement si par décision nouvelle d’un organe de décision ou autre organe compétent à l’intérieur de l’Eglise Orthodoxe, qui est égale ou supérieur à celui qui l’a établit. En ce qui concerne les frontières établies par un Concile Œcuménique, celle-ci ne peuvent être établies que par décision d’un Concile Œcuménique. Les autres frontières, qui furent définies par le Trône de Constantinople dans un Tomos Patriarcal qui a proclamé l’autocéphalie des Eglises respectives, ne peut être modifié que par une décision d’un corps analogue ou plus élevé[2].

Sur base du 28ième canon du VIème Concile Œcuménique de Calcédoine[3] et après interprétation des «territoires barbares»[4] comme une donnée purement géographique, le droit de juridiction administrative extraterritoriale revient uniquement et seulement au Patriarcat Œcuménique[5].

Le fondement de l’organisation ecclésiale n’est pas l’autocéphalie, mais plutôt le principe territorial, par lequel seulement un évêque à un seul endroit représente une seule Eglise. Une Eglise qui par son unité et la communion de cette unité révèle le nouveau peuple de Dieu, et où il n’y a ni Grecque ni Juif, mais une nouvelle création en Christ[6].

Donc, en ce qui concerne la structure et l’administration des Eglises Orthodoxes dans la Diaspora, le 28ième canon du IVème Concile Œcuménique est la règle d’or. Celle-ci reconnait le droit à l’initiative, à la présidence et la responsabilité à la Sainte et Grande Eglise du Christ, le Patriarcat Œcuménique. Même quand le 28ième canon et d’autres canons plus anciens n’existaient pas, le simple fait que le Patriarche Œcuménique est le primus inter pares lui octroie, selon le Père Alexandre Schmemann le droit, et à personne d’autres, de veiller sur les nouveaux groupes ecclésiaux. Cette juridiction n’est pas donnée pour renforcer le Trône Œcuménique, ni pour augmenter ses droits ou ses privilèges; mais pour garder l’unité locale de la vie ecclésiale de la Diaspora.

C’est précisément dans cette optique que nous voulons voir une solution pour le problème actuel. Cette problématique est étudiée et considérée pour l’instant à un niveau panorthodoxe. Il est important que tous les fidèles orthodoxes soient au courant de cette situation. «Car», disait le Patriarche Œcuménique Bartholomée il y a des années, «nous voulons que le Concile Panorthodoxe que nous préparons ne soit pas seulement une question de spécialistes, d’évêques et de théologiens, mais une expression de toutes les Eglises Orthodoxes. Pour cette raison nous voulons réveiller et développer une conscience conciliaire de tous les croyants».

Du 19 au 27 juin 2016 eu lieu en Crète le longuement attendu Saint et Grand Concile Panorthodoxe, qui fut présidé par Sa Toute-Sainteté le Patriarche Œcuménique qui rassembla dix des quatorze Eglises Orthodoxes Autocéphales de par le monde. L’intention de ce Saint et Grand Concile est et était de renforcer l’unité des 300 millions de fidèles orthodoxes. Le Concile s’est entre autres penché sur le problème de la Diaspora Orthodoxe, en ratifiant quelques décisions prises précédemment, comme la création d’un conférence épiscopale dans 13 régions de la Diaspora Orthodoxe (décision de la IVème Conférence Préconciliaire Panorthodoxe, réunie à Chambésy (Genève) en juin 2009.  Toutes les Eglises Orthodoxes locales avaient unanimement exprimé leur souhait de résoudre le problème de la Diaspora Orthodoxe le plus vite possible et de l’organiser en conformité avec l’ecclésiologie orthodoxe et la tradition et pratique canonique. Mais comme il n’était pas possible de l’appliquer immédiatement stricto sensu, il a été décidé de mettre sur pied une situation transitoire qui serait la base d’une solution strictement canonique du problème. L’intention est de parvenir à respecter la situation canonique, par laquelle seul un évêque soit responsable pour tous les chrétiens orthodoxes dans une région définie. Le vrai problème n’est pas encore résolu. Nous aurons encore besoin de temps avant de réussir à résoudre ce problème.


[1] Apport du Patriarcat Œcuménique dans le Rapport du Métropolite Damaskinos de Suisse en rapport avec la Diaspora Orthodoxe p2, Commission préparatoire Interorthodoxe, 1990, Chambésy-Genève.
[2] Ibid., pp6-7
[3] L’Archevêque de Constantinople a par celle-ci le droit d’ordonner des Métropolites du Pont, d’Asie et de Thrace, les convoquer pour un Synode ou juger dans des différents et par cela aussi le droit d’ordonner des évêques dans les régions barbares.
[4] Initialement comme des régions non grecques, ensuite comme des régions en dehors de l’Empire Byzantin et le jour d’aujourd’hui comme des régions en dehors des frontières des Eglises Autocéphanes.
[5] Cf. aussi les canons 2 et 3 du IInd Concile Œcuménique (Constantinople) 9,17 et 28 du IVème Concile Œcuménique (Chalcédoine) en 36 du Concile in Trullo.
[6] Archiprêtre Alexandre Schmemann, Du néopapisme dans l’Orthodoxie (1954), p.72-et repris dans Le Patriarcat Œcuménique dans l’Eglise Orthodoxe, de la main du Métropolite Maxime de Sardes, Paris, 1975, pp. 388 e.v.