Message patriarcal diffusé à l’occasion de Noël (2022)
No de protocole 725
Message patriarcal
diffusé à l’occasion de Noël
† BARTHOLOMAIOS
PAR LA GRÂCE DE DIEU ARCHEVÊQUE DE CONSTANTINOPLE,
NOUVELLE ROME, ET PATRIARCHE ŒCUMÉNIQUE,
À TOUT LE PLÉRÔME DE L’ÉGLISE
GRÂCE, MISÉRICORDE ET PAIX DU CHRIST SAUVEUR NÉ À BETHLÉEM
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Très vénérables frères hiérarques,
Enfants bien-aimés dans le Seigneur,
Aujourd’hui, la sainte Église fête la Nativité de l’éternel Fils et Verbe de Dieu, le mystère « étrange et paradoxal » « tenu secret tout au long des âges » (Col, 1, 26). En Christ, la vérité sur Dieu et sur l’homme est définitivement révélée, comme l’explique en termes éminemment théologiques saint Cyrille d’Alexandrie : « Nous sommes humains par nature, alors que lui il se fit homme, s’abaissant contre nature par philanthropie. Nous, en tant que créatures, sommes par nature serviteurs de Dieu ; lui, prit la condition de serviteur s’abaissant contre nature, lorsqu’il devint homme. Mais le contraire aussi : lui est Dieu par essence ; nous des dieux contre nature redressés par la grâce ; car lui est Fils par nature et nous, par adoption, étant appelés dans sa fraternité ».
« Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous affranchira » (Jn 8, 32). Notre Seigneur Jésus Christ est « le chemin et la vérité et la vie » (Jn 14, 6) ; il est celui qui libéra l’être humain « du joug de l’ennemi ». Il n’y a pas de vie ni de liberté sans la Vérité ou en dehors de la Vérité. Donner à notre vie le sens que nous souhaitons, ce n’est pas la liberté, mais la version contemporaine du péché originel, le confinement de l’humain dans une autonomie autosuffisante et présomptueuse, privé du sens de vérité en tant que relation avec Dieu et notre semblable. Noël c’est le moment de prendre connaissance de soi, de comprendre la différence entre « Dieu-homme » et « homme-dieu », de comprendre la doctrine chrétienne salvatrice : « C’est pourquoi nous ne parlons pas d’homme déifié, mais de Dieu fait homme ».
Cette année, l’annonce joyeuse de Noël se fait entendre en même temps que les tambours de guerre et le fracas des armes en Ukraine qui subit les conséquences terribles d’une invasion arrogante et injuste. Pour nous les chrétiens, toute guerre est fratricide et civile ; c’est, comme le saint et grand Concile de l’Église orthodoxe l’a proclamé, la « conséquence du mal et du péché dans le monde » . Dans le cas de l’Ukraine, valent en outre les paroles de saint Grégoire Palamas sur les conflits sanglants de son temps survenus entre Orthodoxes à Thessalonique : « En outre, nous nous sentons riches, car nous avons comme mère commune la sainte Église et la foi dont Christ est le chef et celui qui la mène à son accomplissement, le vrai Fils de Dieu qui a bien voulu être non seulement notre Dieu, mais aussi notre frère et père ».
Dans la personne du Christ, la « récapitulation » de tout fut opérée, l’unité du genre humain et la sacralité de la personne humaine furent affirmées, le chemin vers le « à la ressemblance » fut ouvert ; et la paix « qui surpasse toute intelligence » (Ph 4, 7) fut révélée. Christ est « notre paix » (Ep 2, 14), et c’est à Lui que l’église historique et emblématique de « sainte Irène » dans la ville de Constantin est dédiée.
Notre Sauveur appelle heureux « ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9) ; il expose l’idée de justice et d’amour, même des ennemis. Dans la divine liturgie, l’Église orthodoxe prie « pour la paix d’en haut » et « pour la paix du monde entier ». « Gratifie-nous de ta paix et de ton amour, Seigneur notre Dieu, car Tu nous as tout donné » : C’est ce que nous demandons, en glorifiant le Dispensateur de tout bien, au cours de la liturgie de saint Basile le Grand. Nous qui avons tout reçu de Dieu, gratifiés d’une immense bienfaisance, devons lutter plus que les autres humains pour la paix, selon la parole biblique : « À qui l’on a beaucoup donné, on redemandera beaucoup » (Lc 12, 48). Dans ce sens, tout ce qui, contrairement à ce principe, est commis par des chrétiens n’est pas imputable au christianisme, mais à ceux qui agissent en transgressant les commandements divins.
Jamais dans l’histoire de l’humanité, la paix entre les peuples ne fut évidente ; elle fut partout et toujours le résultat d’initiatives inspirées, de courage et de sacrifice de soi, de résistance à la violence et de rejet de la guerre moyennant la solution des différences, une lutte perpétuelle pour la justice et la protection de la dignité humaine. Leur contribution à la paix et à la réconciliation constitue le tout premier critère de crédibilité des religions. Indubitablement, dans les traditions religieuses, il y a des mobiles pour inciter non seulement à la paix intérieure, mais aussi pour promouvoir et instaurer la paix de la société, pour surmonter l’agressivité dans les relations entre individus et entre peuples. Ce fait est particulièrement important à notre époque, où on avance l’idée selon laquelle la paix serait le résultat du développement économique, de la hausse de niveau de vie, du progrès de la science et de la technologie, de la communication digitale et l’Internet. Nous sommes certains que la paix entre les peuples et entre les cultures est impossible sans le dialogue et la coopération entre eux. La foi en Dieu renforce la lutte pour un monde de paix et de justice, même lorsque cet effort se heurte à des obstacles insurmontables, selon la mesure humaine. Quoi qu’il en soit, il est inadmissible que des représentants de religions prêchent le fanatisme et attisent la flamme de la haine.
Vénérables frères et enfants bien-aimés,
Le Christ naît, glorifiez-le, le Christ descend des Cieux, allez à sa rencontre, le Christ est sur la terre, élevez-vous! En nous conformant à l’exhortation de notre saint prédécesseur sur le siège de l’Église de Constantinople Grégoire de Nazianze, fêtons la Nativité du Sauveur du monde dans la joie spirituelle « non comme une solennité profane, mais d’une manière divine », en évitant « tout ce qui est superflu et au-delà du besoin ; et cela quand d’autres ont faim et sont dans le dénuement, eux qui ont été formés par le même limon et le même mélange que nous » .
Nous souhaitons à vous tous de passer dans le recueillement et la louange la période de douze jours de Noël à l’Épiphanie qui est réellement accomplissement du temps et rayon de lumière de l’éternité. Que l’année 2023 qui s’avère, par la bienveillance et la grâce du Dieu Verbe qui s’incarna pour nous et pour notre salut, une période de paix, d’amour et de solidarité, une véritable année de grâce du Seigneur.
Vie longue et bénie !
Noël 2022
† Bartholomaios de Constantinople
fervent intercesseur de vous tous en Dieu