Message Patriarcal pour les Saintes Pâques (2023)
MESSAGE PATRIARCAL
POUR LES SAINTES PÂQUES
No de protocole 221
† BARTHOLOMAIOS
PAR LA GRÂCE DE DIEU
ARCHEVÊQUE DE CONSTANTINOPLE, NOUVELLE ROME,
ET PATRIARCHE ŒCUMÉNIQUE
QUE LA GRÂCE, LA PAIX ET LA MISÉRICORDE DU CHRIST
GLORIEUSEMENT RESSUSCITÉ
SOIENT AVEC TOUT LE PLÉRÔME DE L’ÉGLISE
* * *
Vénérables frères hiérarques,
Enfants bien-aimés,
Étant arrivés, par la grâce divine, à la Résurrection toute salvatrice du Seigneur qui anéantit la puissance de la mort et qui ouvrit à la race humaine les portes du paradis, nous adressons à vous tous des félicitations pascales et une cordiale salutation festive, entonnant le chant de joie universelle : « Christ est ressuscité ! »
Dans tous ses aspects, la vie de l’Église vibre de la joie ineffable de la Résurrection. Tout témoigne de l’«expérience de la Résurrection » : les exploits des saints et des martyrs de la foi, l’expérience cultuelle et sacramentelle, l’annonce de l’Évangile « jusqu’aux extrémités de la terre », la foi et la spiritualité, l’amour sacrificiel et la conduite des fidèles selon le Christ, l’attente d’un monde où « la mort ne sera plus. Il n’y aura plus de deuil, ni cri, ni souffrance » .
Dans et par la Résurrection, tout est en mouvement vers sa perfection dans le Règne de Dieu. De tout temps, cet élan eschatologique a donné dynamisme et perspective au témoignage orthodoxe dans le monde. Contrairement aux bruits sans cesse répétés, en raison de l’orientation eschatologique de sa vie, l’Église n’a jamais capitulé devant la présence du mal dans le monde sous toutes ses formes ; elle n’a jamais rejeté la réalité de la souffrance et de la mort ; elle n’a jamais ignoré l’ambiguïté des choses humaines ; elle n’a jamais considéré que le combat pour un monde plus juste soit étranger à sa mission.
Elle sait cependant que la souffrance et la croix ne sont pas la réalité ultime. La quintessence du vécu de la vie chrétienne, c’est la certitude que par la Croix, par la « porte étroite », nous sommes conduits à la Résurrection. Cette foi se reflète dans le fait que le cœur de la vie ecclésiale, la divine Eucharistie, est essentiellement liée à la Résurrection du Christ. Comme le regretté métropolite Jean de Pergame le souligne, dans la tradition orthodoxe, la divine Eucharistie « est remplie de joie et de lumière », car « elle n’a pas pour base la Croix ni une idéalisation de la passion, mais la Résurrection transcendant la passion de la Croix » . La divine Eucharistie nous amène au Calvaire, non pas pour y résider, mais pour être conduits, moyennant la Croix, à la gloire éternelle du Règne de Dieu. La foi orthodoxe, c’est transcender le salut utopiste « sans Croix », et le naufrage existentiel de la croix « sans Résurrection ».
Notre participation à la Résurrection du Christ dans le mystère de l’Église c’est abolir pratiquement tout utopisme, les « chemins faciles à pratiquer » et les faux paradis de bonheur débridé et, en soi, surmonter définitivement l’enfermement désespéré dans la négativité censée insurmontable, puisque la Croix du Christ porte en soi la Résurrection, la « joie éternelle », la « jouissance d’une gloire sans fin ». L’anéantissement de la mort par la Croix et la Résurrection du Sauveur réfère notre vie à son essence divino-humaine et à sa destination céleste.
En Christ nous savons et réalisons que la vie présente n’est pas toute notre vie, que la mort biologique ne constitue ni la fin ni l’anéantissement de notre existence. Ce ne sont pas les limites biologiques de la vie qui définissent sa vérité. D’ailleurs, l’idée que la vie est une « marche inexorable vers la mort » conduit à des impasses existentielles, au désespoir et au nihilisme, à l’indifférence à l’égard de ce qui constitue l’essentiel de la vie. La science, le progrès économique et social ne sont pas en mesure d’offrir une réelle solution et une sortie de l’impasse. Les chrétiens sont ceux qui « ont l’espérance » , qui attendent le Règne à venir du Père et du Fils et du Saint-Esprit en tant que la réalité finale, en tant que plénitude de vie et de connaissance, en tant que joie accomplie, non seulement pour les générations futures, mais pour la race humaine tout entière, du début à la fin du temps.
C’est de cette vision de l’histoire et de l’éternité, du caractère résurrectionnel marquant la foi, l’éthos et la culture de l’Orthodoxie, du fait indubitable que le grand miracle de la Vérité est uniquement révélé à « ceux qui adorent le mystère avec foi », que nous sommes appelés à témoigner aujourd’hui dans une culture qui rejette le Transcendant et qui impose de multiples réductions à l’identité spirituelle de l’existence humaine.
Rendant gloire, par des psaumes, des hymnes et des chants inspirés au Seigneur qui ressuscita des morts et qui donna à tous la vie éternelle, participant dans la jubilation à la « solennité commune à tous » nous implorons l’Auteur et Rédempteur, dans Sa toute-puissance, Son immense sagesse et Son infinie miséricorde, de pacifier le monde, de gratifier la race humaine de tous Ses dons salvateurs, pour que soit chanté et béni Son nom vénérable et magnifique, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen !
Phanar, saintes Pâques 2023
† Bartholomaios de Constantinople
votre fervent intercesseur dans le Christ Ressuscité