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Actualité

Message patriarcal diffusé à l’occasion de Noël

No de protocole 1099

† BARTHOLOMAIOS
PAR LA GRÂCE DE DIEU ARCHEVÊQUE DE CONSTANTINOPLE,
NOUVELLE ROME, ET PATRIARCHE ŒCUMÉNIQUE,
À TOUT LE PLÉRÔME DE L’ÉGLISE
GRÂCE, MISÉRICORDE ET PAIX DU CHRIST SAUVEUR NÉ À BETHLÉEM
* * *

Éminences, Excellences, bien-aimés frères et enfants dans le Seigneur,

Nous rendons gloire au Dieu, Père de miséricorde et de toute bonté, de nous avoir permis d’atteindre cette année encore le jour glorieux de Noël, fêter la Nativité de l’éternel Fils et Verbe de Dieu incarné «pour nous, hommes, et pour notre salut». Grâce au «mystère éternel», la «grande merveille» de l’incarnation divine, l’«immense blessure», l’homme se trouvant dans les ténèbres et dans la nuit sombre de la mort, devient «fils de la lumière, fils du jour» , le chemin béni de la théosis par grâce s’ouvrant à lui. Dans le mystère divino-humain de l’Église et par les saints sacrements de celle-ci, Christ naît et se forme dans notre âme et notre existence. «Le Verbe de Dieu», dit saint Maxime le Confesseur, «né une fois pour toutes selon la chair, veut toujours, par amour de l’homme, naître selon l’Esprit en ceux qui le désirent. Il devient petit enfant, se formant lui-même où il sait que le porte celui qui le reçoit» . Il n’est pas un «Dieu – Idée», comme le dieu des philosophes, ni un Dieu inabordable, cantonné dans sa transcendance absolue; c’est «Emmanuel», «Dieu avec nous» , plus proche de nous que nous ne le soyons de nous-mêmes, «il nous est plus apparenté que nous-mêmes» .

La foi en la divinité inaccessible et désincarnée ne transforme pas la vie de l’être humain; elle ne supprime pas la polarité matière/esprit; elle ne comble pas le fossé séparant le ciel de la terre. Étant la révélation de la vérité sur Dieu et l’humain, c’est l’incarnation du Verbe de Dieu qui sauve la race humaine des sombres labyrinthes tant du matérialisme que du monisme humain, aussi bien de l’idéalisme que du dualisme. La condamnation par l’Église du nestorianisme et du monophysisme marque le rejet de deux penchants quasi universels de l’âme humaine : l’absolutisation de l’anthropocentrisme, d’une part, la version idéaliste de la vie et de la vérité, d’autre part; ce sont des déviations particulièrement répandues de nos jours.

Le «nestorianisme» contemporain s’exprime en tant que: esprit de sécularisation; scientisme et priorité absolue donnée à la connaissance utile; affirmation de l’autonomie absolue de l’économie; arrogance autosotérique et athéisme; «non-civilisation» de l’individualisme et de l’eudémonisme; légalisme et moralisme; «fin de la pudeur»; assimilation et de l’amour sacrificiel et de la pénitence à l’éthique dite «morale des faibles». Pour sa part, le «monophysisme» est aujourd’hui représenté par des courants, tels ceux qui diabolisent le corps et l’être humain naturel; le puritanisme et les complexes puristes; la spiritualité stérile d’introversion et les divers mysticismes; le mépris de la raison, de l’art et de la culture; le refus du dialogue et le rejet de la différence prôné par le fondamentalisme religieux au nom de la «vérité unique et exclusive»; manifestation morbide de cette déviation, le fondamentalisme est nourri d’absolutisations et de rejets, et il alimente la violence et la division. Manifestement, tant l’apothéose du monde, d’ordre nestorien, que la diabolisation de celui-ci, d’ordre monophysite, laissent exposés aux puissances de «ce monde-ci» l’humanité et l’histoire, la civilisation et les cultures, consolidant de la sorte leur autonomisation et leurs impasses.

La foi chrétienne c’est la certitude que l’être humain doit son salut au Dieu de l’amour qui, par charité envers lui, assuma notre nature et nous restitua le «à la ressemblance» que nous avions égaré par la chute, nous rendant capables de vivre vraiment dans Son corps, l’Église. Toute la vie de l’Église exprime le mystère de la divino-humanité. Le Sauveur Dieu-homme prit «la chair de l’Église» ; c’est Lui «le premier et le seul qui montra l’homme véritable et parfait, dans son comportement, dans sa vie et dans tout le reste» . L’Église du Christ est le lieu du «salut commun», de la «liberté commune» et de l’espérance du «royaume commun»; c’est la façon de vivre la vérité libératrice dont le noyau est le fait de professer la vérité dans l’amour. Cet amour va au-delà de la simple action humanitaire, car il a pour source et modèle la philanthropie divine transcendant la raison humaine. «Voici comment s’est manifesté l’amour de Dieu au milieu de nous: Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. Voici ce qu’est l’amour: ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés (…) Mes bien-aimés, si Dieu nous a aimés ainsi, nous devons nous aussi, nous aimer les uns les autres» . Là où il y a l’amour, là Dieu est présent.

Cette vérité salvatrice doit aussi être exprimée dans la façon dont nous fêtons la Nativité de notre Sauveur qui nous a visités venu d’en-haut. La fête est toujours «accomplissement du temps»; c’est le moment de se connaître soi-même, remercier pour la grandeur de la charité divine; témoigner de la vérité que représente la divino-humanité et la liberté en Christ. Célébrer dans la joie l’incarnation du Verbe de Dieu est un acte de résistance à la sécularisation, au ternissement de la fête et à sa transformation en «fête de la Nativité du Christ sans Christ», en une foire de l’«Avoir», du consumérisme et de la vanité, de surcroît dans un monde plein de tensions sociales, de renversements de valeurs, de confusion, de violence et d’injustice, où l’«enfant Jésus» est à nouveau confronté à d’insensibles intérêts de pouvoirs multiples.

Honorables frères et chers enfants,

Une génération passe et l’autre génération vient, et il est humainement difficile de prévoir les évolutions futures. Cependant, la véritable foi n’a pas de dilemmes. Le Verbe s’est fait chair, «la vérité est venue et l’ombre a disparu», nous participons déjà au Royaume sur le chemin menant à l’accomplissement de l’œuvre de la divine économie incarnée. Nous avons la certitude inébranlable que l’avenir appartient au Christ Qui est «le même, hier et aujourd’hui; il le sera pour l’éternité» ; que l’Église du Christ ne cessera d’être un lieu de sanctification, de vie en Dieu, de renouveau de l’être humain et du monde, d’avant-goût de la gloire du Royaume; qu’elle continuera à «donner le témoignage évangélique» et à «partager les dons que Dieu dispensa à l’humanité: son amour, la paix, la justice, la réconciliation, la force de la Résurrection et l’espérance de l’éternité» . La construction idéologique contemporaine prônant l’ère «post-chrétienne» est absurde. «Après Christ» tout est et demeurera «en Christ».

Fléchissant pieusement le genou devant le divin enfant de Bethléem et la toute-sainte Mère de Dieu portant l’Enfant, et nous prosternant devant le Dieu incarné «le plus parfait», nous accordons—du Phanar toujours vigilant—aux enfants à travers le monde de la sainte Grande Église du Christ notre bénédiction patriarcale pour les saints jours allant de Noël à l’Épiphanie, souhaitant que la nouvelle année de grâce du Seigneur soit pleine de santé, riche en fruits et joyeuse.

Noël 2018
† Bartholomaios de Constantinople
fervent intercesseur de vous tous en Dieu