Message patriarcal diffusé à l’occasion de Noël
† BARTHOLOMAIOS
PAR LA GRÂCE DE DIEU ARCHEVÊQUE DE CONSTANTINOPLE,
NOUVELLE ROME, ET PATRIARCHE ŒCUMÉNIQUE,
À TOUT LE PLÉRÔME DE L’ÉGLISE
GRÂCE, MISÉRICORDE ET PAIX DU CHRIST SAUVEUR NÉ À BETHLÉEM
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Éminences, Excellences, bien-aimés frères et enfants dans le Seigneur,
Étant arrivés à la solennité de Noël, par des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés, nous rendons gloire au Seigneur qui se dépouilla et assuma notre chair pour nous délivrer de la «servitude de l’ennemi» et pour ouvrir au genre humain les portes du Paradis. L’Église du Christ jubile dans le vécu liturgique du mystère entier de la Divine Économie, l’avant-goût de la gloire du règne eschatologique et, de façon christique, rendant le bon témoignage de la foi, de l’espérance et de l’amour dans le monde.
L’Église «n’est pas de ce monde»; loin de l’isoler de la réalité historique et sociale, ce caractère inspire et renforce son témoignage. Ainsi, se référant toujours à la destination éternelle de l’être humain, l’Église cherche des réponses aux besoins existentiels de celui-ci; à l’instar du Bon Samaritain, elle panse les plaies «en y versant de l’huile et du vin», se faisant pour tout un chacun le «prochain» tombé «sur des bandits» (cf. Lc 10, 25-37) ; guérissant les affections de la civilisation contemporaine; éclairant les pensées et les cœurs humains. En tant que présence du saint Esprit dans la vie des croyants, la spiritualité signifie témoigner, par nos actes et nos paroles, de l’espérance qui est en nous, sans rapport aucun avec le stérile repli sur soi. Le saint Esprit est donateur de vie, source de bonté, dispensateur de charismes, vie et lumière. Ardent, animé par son amour pour Dieu et l’être humain, par son amour pour ce qui est beau, le chrétien est agissant et créatif.
L’Évangile de Noël se fait entendre cette année aussi dans un environnement culturel où le «droit individuel» est considéré comme valeur suprême. L’égocentrisme et l’artifice de la réalisation de soi ébranlent la cohésion sociale, affectent l’altruisme et la solidarité, et instrumentalisent les relations humaines. L’économisme immodéré et le sécularisme agrandissent le vide existentiel et réduisent les forces créatives de l’être humain.
L’Église ne saurait ignorer ces évolutions –et leurs conséquences subies principalement par les jeunes– véhiculées par les machinations ensorcelantes de la culture technologique et les promesses illusoires de «faux paradis». Le saint et grand Concile (Crète 2016) lance un appel solennel à la jeunesse orthodoxe de «prendre conscience qu’elle est porteuse d’une tradition de l’Église orthodoxe multiséculaire et bénie, et en même temps la continuatrice de cette tradition», de participer activement à la vie de l’Église, de «préserver avec courage et cultiver avec force les valeurs éternelles de l’Orthodoxie, pour rendre un témoignage chrétien vivifiant» (Encyclique, § 8).
Dans cet esprit, nous alignant sur cette exhortation du saint et grand Concile, relativement aussi à la récente élection et installation des nouveaux archevêques dans les trois grandes provinces du Trône œcuménique dans la Diaspora, c’est-à-dire d’Amérique, d’Australie et de Grande-Bretagne, nous proclamons 2020 «année de renouveau pastoral et de due sollicitude envers la jeunesse», appelant notre saint clergé et le peuple chrétien à partager et à soutenir cet effort divinement inspiré.
Nous envisageons de développer une «pastorale d’écoute et d’échange» dotée d’imagination et de vision, de foi inébranlable en la grâce intarissable de Dieu, de confiance dans la force de liberté de l’être humain. Cette pastorale centrée sur la personne humaine doit opérer une conversion: inciter la jeunesse à renoncer «à chercher son propre intérêt» et «à se plaire», pour se consacrer «à l’amour qui ne cherche pas son propre intérêt», «à plaire à Dieu»; à échanger «les biens» contre «le Bien»; à cesser de s’inquiéter «pour la multitude des choses», pour obtenir la vraie richesse, la seule «qui soit nécessaire»; notre être vraiment libre ne prend naissance que dans l’offre de soi.
La base pérenne du réveil de la conscience chrétienne, c’est de vivre et de comprendre le sens du culte chrétien, de son caractère communautaire, eucharistique et eschatologique. Les jeunes doivent prendre conscience que l’Église n’est pas une corporation de chrétiens, mais «Corps du Christ». Nous appelons le clergé de la sainte Grande Église du Christ à travers le monde à s’engager dans une pastorale de «kénose». Nous n’attendrons pas que les jeunes viennent vers nous, mais nous allons vers eux, non pas comme juges, mais comme amis, imitant le «bon berger qui se dessaisit de sa vie pour ses brebis» (Jn 10, 11). Le pasteur se montre toujours alerte et vigilant, connaît les besoins pastoraux des jeunes et leur milieu social, et agit en conséquence. Inspirée et dirigée par la tradition de l’Église, son intervention pastorale ne consiste pas à procurer aux jeunes une simple «aide», mais à leur faire comprendre que «c’est pour être vraiment libres que Christ nous a libérés» (Ga 5, 1).
Avec ces réflexions, fléchissant pieusement le genou devant le divin enfant de Bethléem, depuis le Phanar à la lumière inextinguible, nous formons nos vœux pour les saints jours allant de Noël à l’Épiphanie, en implorant le Christ Sauveur dans sa condescendance pour le genre humain, le «Dieu avec nous», de vous dispenser Sa grâce vivifiante et Son infinie miséricorde.
Noël 2019
† Bartholomaios de Constantinople
fervent intercesseur de vous tous en Dieu