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Actualité

Interview du Père Konstantinos Dedes à propos de l’école de musique byzantine de la Sainte Métropole de Belgique.

 

 

 

 

Interview : Anaïs Vathi

 

Dans l’interview suivante, nous rencontrons le diacre de la Sainte Métropole de Belgique, le père Konstantinos Dedes, qui nous parlera de la fondation d’une nouvelle école de musique byzantine en Belgique, dont il est coordinateur et professeur. Cette école a pour but de transmettre aux jeunes la culture byzantine et la pierre angulaire de celle-ci, appelée « musique byzantine ».

*La musique est un moyen éducatif utilisé depuis l’antiquité. Les Grecs de l’Antiquité ont été les premiers à créer ce contexte théorique complet, son propre système d’écriture et une pléthore de compositeurs, de musiciens, d’hymnes, de danses et d’instruments de musique qui subsistent encore aujourd’hui. Les Grecs de l’Antiquité lui ont donné une dimension pédagogique, théologique, philosophique et scientifique, la considérant comme une science qui doit être étudiée, tout en la respectant comme un don divin qui régit toute la création.  Et la musique semble avoir fonctionné doublement, à la fois comme un art qui sert à plaire et comme un pédagogue visant à la perfection morale et spirituelle de l’homme.

Aristides Koïdilianos, dans son ouvrage intitulé « À propos de la musique », déclare : « Rien n’est plus puissant que la Musique, lorsqu’elle est utilisée à des fins éducatives » et poursuit « En ce qui concerne l’éducation des hommes, deux très grands accidents sont observés. Quels sont-ils ? L’amoussia et la kakomoussia. La première est l’absence totale de culture musicale, et l’autre est une connaissance musicale mauvaise et déformée. […] La nation grecque est heureuse parce qu’elle seule a cultivé la musique au plus haut degré. Ainsi, si la musique est capable d’enchanter et de façonner des villes et des nations entières, n’est-elle pas capable d’éduquer chacun d’entre nous ? »

 

 Qu’est qu’on entend comme musique byzantine ?

Par le terme musique ecclésiastique byzantine, nous entendons l’expression musicale de la langue grecque, qui s’est formée et développée principalement au cours des longs siècles de la civilisation byzantine. Bien sûr, si l’on veut être précis, le terme « byzantine » n’est pas si approprié pour notre musique ecclésiastique. Si nous pouvions interroger un habitant de l’Empire Romain, nous serions surpris de constater qu’il ignore le mot « Byzance » et, par extension, la « musique byzantine », car il s’agit de termes et de désignations que l’histoire leur a attribués par la suite.

En outre, la musique byzantine est une descendante et une continuation de la musique grecque antique. Traditionnellement, Pythagore est considéré comme le fondateur du genre musical qui a ensuite évolué vers la musique byzantine. C’est vrai jusqu’à un certain point. Pythagore a contribué à la théorie. Il a été le premier à lier la musique aux mathématiques et a innové avec l’étude de l’acoustique. Il a également été le premier à créer les « Tons » musicaux et traduire leurs analogies en notes. C’est ainsi qu’ont été créées les portés, bases de l’Octoéque et centre de la théorie musicale byzantine.

Par conséquent, le terme « musique byzantine » est utilisé pour décrire la musique que nous utilisons, principalement dans notre culte, qui est un descendant de la musique grecque antique et a été formée au cours des siècles de la civilisation byzantine jusqu’à nos jours.

Quelle est la relation entre la musique byzantine et le culte orthodoxe ?

La musique byzantine est l’un des éléments les plus précieux de notre tradition et de notre culture grecque orthodoxe. Il s’agit d’un élément vivant et dynamique de notre culte orthodoxe qui, en tant qu’art transmis à travers les générations et en tant que science pouvant être expliquée, appartient aux arts cultuels de notre Église et dessert par son caractère mystagogique la cause sacrée de notre salut. Cela signifie que la psalmodie n’a pas sa place dans un musée et qu’elle n’est pas non plus une tradition dépassée. Notre musique byzantine est un élément indispensable et vital de notre culte qui, depuis les temps les plus anciens, est parvenu jusqu’à nos jours, développé et expliqué par les grands maîtres, protopsaltes, lampadarios, domensticho, moines, hieromoines, clercs, évêques et patriarches dans une succession ininterrompue.

Quel est le but de la musique byzantine ?

La musique byzantine est intégrée au culte divin. Et lorsque nous parlons de culte divin, nous devons savoir que nous faisons référence à la raison et au but de l’existence de l’Église. Notre Église est la communauté d’adoration des Saints, c’est-à-dire de nous tous, qui, intégrés en son sein, agissent, par les Saints Sacrements, notre sanctification perpétuelle. Avec la Divine Liturgie en son centre, le Culte divin accomplit l’œuvre de notre salut, visant à notre union ontologique avec Théanthrope Jésus-Christ à travers le Sacrement de l’Eucharistie.

La musique byzantine existe donc pour servir l’événement liturgique, et a donc un caractère dévotionnel et priant. C’est un moyen par lequel les fidèles communiquent avec Dieu, transcendent la dimension de l’être, s’élèvent vers les sphères supérieures de la spiritualité et sont divinisés. « Notre musique n’est pas une fin en soi », comme l’érudit l’amateur de l’art du chant, le regretté Archevêque Christodoulos d’Athènes et de toute la Grèce, « mais un moyen par lequel nous pouvons plus facilement atteindre le but réel et unique, le contact et la communication avec Dieu. Voici donc le but de notre musique. Il ne s’agit pas d’abrutir les oreilles, mais de transplanter dans les cœurs les hauts concepts des textes sacrés, qui transforment l’homme vers des hauteurs éthérées et surnaturelles.

Quelle est la mission du chantre ?

La mission du chantre est d’adorer Dieu en lui récitant, au nom de l’assemblée des chrétiens en prière, les hymnes de l’Église. L’apôtre Paul donne à cette tâche un caractère essentiellement spirituel : « Servons Dieu d’une manière qui lui soit agréable avec respect et craintes avec révérence et plaisir » (Hb 12, 28).

En même temps que la culture spirituelle, l’hiérophante doit bien connaître la musique byzantine telle qu’elle est délivrée dans notre Église aujourd’hui. Celui qui entreprend la vocation du chant porte une grande responsabilité et, par conséquent, en plus de la spiritualité qui doit le distinguer, il doit aussi avoir la formation appropriée. N’oublions pas que notre Église, reconnaissant l’importance de ce ministère, a établi une ordination spécifique pour honorer et bénir la personne et le travail du chante, qu’elle considère comme un clerc subordonné.

 Quel est l’objectif de l’École de musique byzantine ?

Je dirais que le but premier de notre École est d’inspirer l’homme et de l’amener à un contact plus étroit avec son Créateur. Et je dis cela en me référant à un discours de Saint Barsanouphios, qui a dit que « la musique peut libérer l’homme de la terre. La prière, encore plus. Par conséquent, lorsque l’on chante et que l’on prie en même temps avec les paroles du tropaire, alors on s’envole effectivement vers le ciel ! »

À travers le temps, l’homme, et surtout l’homme moderne, doit comprendre qu’il lui manque cette montée au ciel, cet envol que nous avons évoqué, dans sa vie ! Et l’on peut raisonnablement se demander : « est-ce que cela passe par la musique » ? Pas nécessairement uniquement à travers la musique ! Cette étude met l’étudiant en contact, tout d’abord, avec le culte, les arts dévotionnels, la variété des hymnes, des timbres, des psaumes ! Ainsi, le cultive spirituellement et renforce sa foi et son amour pour Dieu !

Le second but de notre École est de doter les chœurs de notre Diocèse de personnes compétentes, spirituelles et amoureux de la musique ! Nous sommes situés et vivons au centre de l’Europe, nous voyons les rythmes et la qualité de la vie moderne. On ne pouvait pas ne pas se préoccuper du recrutement du personnel des chœurs, afin d’avoir une qualité et un niveau spécifique. Le chantre est un investissement pour la paroisse et nous sommes appelés à desservir cet objectif !

Quand l’École de Musique Byzantine de l’Archevêché de Belgique a-t-elle été créée ?

Avec la bénédiction et le soutien de Son Éminence notre Métropolite Athénagoras, l’École de Musique Byzantine a été créée en septembre 2020, dont l’avenir était incertain car il n’y avait pas eu d’effort similaire auparavant qui avait conduit à un résultat positif.

Cependant, la grâce de Dieu a béni ce projet et m’a généreusement amené d’excellents collaborateurs, qui sont des amoureux et des connaisseurs de la musique d’église et qui, dès le premier instant, ont soutenu l’ensemble du projet. De plus, l’amour des étudiants et l’enthousiasme de tous ceux qui aident et soutiennent notre école de diverses manières ont grandement contribué à ce qu’en un temps relativement court, l’école de musique byzantine soit organisée et fonctionne comme une organisation d’éducation musicale de notre Métropole.

Qu’apprend-t-on en étudiant à l’École de Musique Byzantine ?

En suivant le programme quinquennal de notre école, l’étudiant apprend la théorie et la pratique du chant, l’Ordo, l’histoire de la musique d’église, l’interprétation théologique des hymnes, tandis qu’en même temps il entre en contact avec le chœur, participe aux activités et aux ateliers organisés par notre école et acquiert généralement toutes les connaissances et l’expérience nécessaires à l’exercice du chantre. À la fin de leurs études, nos étudiants peuvent obtenir un diplôme ou un certificat en chant sacré, c’est-à-dire une qualification reconnue.

  Mais lorsqu’on se réfère à la musique, et en particulier à la musique sacrée, il est très difficile d’identifier les domaines dans lesquels une personne en est bénéficiaire. Par la théorie, l’étudiant reçoit quelques leçons concrètes, mais c’est par la pratique qu’il en recevra beaucoup plus. La musique est une « théologie implicite » ! Nous en déduisons que l’étudiant en chant apprendra à aimer, à respecter, à apprécier, à coexister, à coopérer, à prier, à s’approcher de Dieu, à participer activement au Culte et, si je puis dire, à devenir un vase d’élection en se prêtant au service de l’Hymnodie sacrée. Ce dernier point est, à mon avis, la leçon la plus importante ! C’est un objectif insaisissable, mais quelle bénédiction que de se prêter à Dieu !

Dans quelles langues la musique byzantine est-elle enseignée ?

Ces dernières années, un grand effort a été fait pour traduire les hymnes de notre église dans d’autres langues. Et quand je dis de les traduire, je ne veux pas seulement dire comme un texte, mais aussi comme un texte musical, ce qui complique la tâche. Dieu merci, dans notre école, les cours sont donnés dans les trois langues de notre métropole, à savoir le grec, le français et le néerlandais.

Qui peut s’inscrire à l’école ?

Tout homme et femme âgés de 7 ans s’inscrire dans notre école. Vous me permettrez de ne pas fixer de limite d’âge, car nous n’avons pas cette marge de manœuvre et personne n’est en trop ! De plus, nous n’avons pas le droit de priver qui que ce soit de cet Art Sacré !

Parfois, certaines personnes disent qu’elles n’ont pas le talent vocal et qu’elles ne peuvent donc pas contribuer au lutrin. C’est une grande erreur ! Dans le chœur, il n’y a pas que le premier chantre, il y a aussi ceux qui maintiennent le ton, les lecteurs et ceux qui veillent à l’Ordo. Il y a de la place pour tout le monde et nous sommes plus qu’heureux d’accueillir et d’enseigner à tous ceux qui sont intéressés!

Comment s’inscrire à l’école ?

Si une personne souhaite s’inscrire à l’École de musique byzantine, elle peut contacter le secrétariat de l’École à l’adresse [email protected], pour obtenir le formulaire d’inscription nécessaire et recevoir des informations à ce sujet. En outre, si l’on souhaite suivre les activités et les nouvelles de l’École, on peut suivre notre page Facebook byzantinemusicBenelux.

Que souhaitez-vous nous dire en guise de conclusion ?

Je voudrais me permettre de ne pas faire la conclusion de notre entretien mais de donner la parole à des personnes qui connaissent le sujet et les bienfaits du chant bien mieux que moi. Je me réfère, bien sûr, aux saints de notre Église, qui appréciaient et valorisaient fortement la musique d’église !

« Le psalmodie, selon saint Ephraïm le Syrien, est un appel pour le secours des anges, une arme pour les peurs nocturnes, un repos pour les travaux du jour, une sécurité pour les enfants, un joyau pour les sages, une consolation pour les personnes âgées, un ornement approprié pour les femmes. C’est l’alphabet pour les débutants, l’amélioration pour ceux qui progressent, le soutien pour ceux qui avancent vers la perfection, la voix de l’Église. Elle égaie les fêtes, elle provoque la tristesse, qui est conforme à la volonté de Dieu, car le chant réussit à tirer des larmes même d’un cœur de pierre. La psalmodie est l’œuvre des Anges, la constitution céleste, l’encens spirituel. La psalmodie est l’illumination des âmes, la sanctification des corps. »

Saint Jean Chrysostome a dit que « le chant donne du plaisir et en même temps offre des bienfaits. C’est-à-dire que c’est un hymne à Dieu, une purification de l’âme et une élévation de l’esprit. Et si le chantre est encore un pécheur aux milles de péchés, en faisant honte au chant, il endort la tyrannie du péché. L’âme a honte de la langue qui chante les hymnes ! »

De plus, Chrysostome Jean a noté que « rien d’autre parmi les choses terrestres n’élève autant l’âme et ne la libère de l’esclavage du monde, ni ne lui permet d’évaluer correctement les choses humaines, que la psalmodie divin, accompagné de mélodie et de rythme !   » Saint Nilos a dit que  » la psalmodie apaise les passions et supprime l’intempérance du corps ».

Basile le Grand a disait « lorsqu’à l’heure de la colère, un homme commence à chanter des hymnes, la sauvagerie quitte immédiatement son âme, car la mélodie l’endort. La psalmodie est apaisante des âmes, dispensatrice de paix, elle assourdit le bruit des pensées, calme la colère de l’âme, assagit le pécheur. Elle favorise l’amitié, unit les différents et rapproche les ennemis. Cela mène à l’amour. Elle est la consolation des personnes âgées, le repos du labeur quotidien, la voix de l’Église. Elle embellit les fêtes. C’est l’œuvre des anges, la constitution céleste et l’encens spirituel ! »

En conclusion, permettez-moi de remercier du fond du cœur à la fois Son Éminence notre Métropolite Athénagoras pour la bénédiction, et vous, ma chère Mme Vathi, pour l’occasion que vous me donnez avec cette interview de promouvoir le travail et les objectifs de notre École ! Je souhaite, avec la Grâce du Dieu saint, les intercessions de notre Vierge et de tous les saints de notre Église qui ont été actifs dans la musique, que nous ayons du progrès dans notre travail, la santé et toute bonne chose!

 

 

*Source : Vyzantini mousiki os meso pedias ex opseos koinoniologias tou christianismou
(https://ikee.lib.auth.gr/record/281188/files/GRI-2016-15704.)